Bernard Rodenstein
"Chronique épidermide" - 30 août 2021
Les seules folies de notre époque sont hélas les folies meurtrières.
Les êtres humains ne sortent du cadre que pour s’éliminer mutuellement de la surface du globe. Pour le reste, la civilisation capitaliste a réussi à nous transformer en bons petits soldats dociles et formatés pour la bonne cause : celle qui fait les beaux jours du CAC 40, entre autres.
La « mise aux normes standardisées » des humains, élevés comme des poulets en batterie pour consommer, pour produire et pour être jetés, conduit inévitablement au développement des instincts meurtriers ou suicidaires.
Dépouillée de toutes les fantaisies que libèrent en nous la légèreté et le goût de la fête, notre existence perd son sens profond et sa saveur.
« L’utilitarisme » poussé le plus loin possible dénature l’espèce humaine. Déjà nous étions des loups les uns pour les autres, désormais nous sommes les pires prédateurs du vivant, car les loups, semble-t-il sont bien moins féroces qu’on ne le dit.
Je plaide résolument pour les belles folies !
Celles qui caractérisent les artistes et les amoureux. Celles qui favorisent l’audace de la création, qui introduisent de la respiration dans les banalités du quotidien, qui nourrissent les rêves et les utopies.
Les folies « douces », par opposition avec les criminelles, sont des volcans dont le feu et la lave alimentent la splendeur et la fécondité de toute vie.
Elles sont indispensables à notre équilibre personnel et à la bonne entente que nous aimerions tous avoir entre nous. Elles sont le sourire qui efface les grimaces de la douleur et de la tristesse dues à nos défaillances ordinaires. Elles font de certains moments de notre existence des temps de fête dont les effets se ressentent durablement.
S’il faut tuer les folies il ne faut renoncer qu’aux pires d’entre elles, celles qui visent à l’élimination de nos semblables, mais s’attacher viscéralement aux bonnes folies, les folies qui nous font entrevoir, ne serait-ce que par intermittence, la pleine magnificence de l’humain toujours en devenir.
Bernard Rodenstein
"Chronique épidermide" - 30 août 2021
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