• Témoignage: Marine Barnerias

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    Témoignage: Marine Barnerias
    Ce qui est nécessaire à notre bonheur se trouve en nous
    Le 3 avril 2015 , tout juste âgée de 21 ans , Marine apprend qu'elle est atteinte d'une sclérose en plaque. D'abord abattue, vulnérable, elle décide de réagir. Ce sera un log voyage de sept mois, à la recherche de cet équilibre que la maladie tente de rompre. Elle en reviendra transformée et confiante en ses forces, convaincue que "Dieu se laisse voir chez toutes les belles personnes que l'on rencontre"


    A vous voir si pétillante et enjouée, on imagine mal que vous êtes malade. Pourtant, elle est là, en vous , cette maladie, et à chaque instant, elle peut vous rattraper. Comment avez-vous appris que vous étiez atteinte d'une sclérose en plaque?
     

    C'était il y a 3 ans. Sans raison apparente, j'ai perdu  momentanément l'usage de ma main gauche. Sur le moment les médecins n'ont pas diagnostiqué la sclérose en plaques, car il faut plus de 2 paralysies. Un peu plus tard, ce sont mes 2 yeux qui se sont envolés et je me suis retrouvée dans une boite noire. Cela s'est de nouveau produit lors d'une fête organisée par mon école de commerce, à Marseille. J'ai d'abord pensé à une allergie provoquée par la peinture que j'avais appliquée sur mon visage. Direction cabinet d'ophtalmologie. En deux secondes chrono on m'a dirigée vers l'hôpital, où j’ai attendu 2 semaines. Le 3 avril 2015 un mot nouveau est entré dans ma vie: Sclérose en plaque...je ne l'oublierai jamais. A ce moment là c'est le néant. C'est quelque chose qui va ruiner ma vie. Ce mot est laid, horrible, il me colle à la peau. Je me souviens d'un documentaire à la télé et de cette femme qui était prisonnière de son corps. Je me répète que c'est une blague. Que ja vais me réveiller. mais soudain l'autre c'est moi. J'éprouvais un mélange de dégout et d'appréhension. De peur, surtout. 

     
    Comment décrire cette maladie?
     

    Dans une maison les lumières sont reliées au réseau électrique par des câbles. Ces câbles sont eux-mêmes entourés d'une gaine de caoutchouc. Dans notre cerveau c'est pareil. Nous disposons d'une multitude de nerfs qui nous permettent de voir, de toucher, de ressentir. Ces connexions entre le cerveau et les parties du corps sont entourées d'un liquide protecteur, la myéline. Avec la sclérose en plaque, pour une raison inconnue, nos propres anticorps grignotent cette myéline. On dit que c'est une maladie auto-immune car c'est notre propre organisme qui détruit ses protections;

     
    Après le temps du diagnostic vient celui des traitements. Et là encore, vous devez faire face à un tsunami de questions et d'incertitudes

     
    La 1ère neurologue m'a annoncé ce diagnostic de manière très brutale. Elle m'a tendu un prospectus, sur mon lit d'hôpital, sur un ton anodin: " Vous êtes atteinte de sclérose en plaques. J'ai mon service à finir, il y a une super brochure et même un site internet, regardez cela tranquillement, vous aurez toutes les informations utiles". Puis, elle a disparu. Dans les jours qui ont suivi, j'ai entamé un véritable marathon, rencontrant une dizaine de spécialistes. Tous tenaient des discours différents. Le neurologue B: " Ecoutez, j'ai un super-traitement, supporté par de nombreux patients". Le neurologue C , lui, suggérait une autre thérapie, qu'il jugeait plus adaptée à mon cas. D'autres me conseillaient d'attendre, de voir comment la maladie allait évoluer. On me donnait toutes sortes de conseils nutritionnels, si bien que je n'osais plus rien manger. J'étais vulnérable et ce déluge d'informations contribuait à ma perdre. J'ai compris que j'avais besoin de prendre du recul, pour me retrouver intérieurement. Je n'arrivais plus à vivre. Il me fallait du temps. 2 semaines s'étaient écoulées depuis mon diagnostic. J'étais encore dans cette phase de haine, de maitrise du regard des autres. Le plus important pour moi c'était de leur montrer que je gérais la situation. J'ai donc continué mon boulot à la télévision. Je voulais que mon responsable soit fier de moi, au mépris des signaux envoyés par mon corps. On m'avait confié l'organisation d'un évènement très stressant. La veille du grand jour, j'ai de nouveau perdu l'usage de mes yeux. Mais je restais indifférente à cette maladie que je détestais. J'ai mené le projet jusqu'au bout, avec cette immense fatigue visuelle. Tout cela pour un sourire de mon boss. Et j'ai compris que c'était une impasse: Marine, ton corps te parle tellement, il va falloir commencer à l'écouter.
    Tout le monde me donnait des conseils: le père, la mère, le pote, le médecin....alors qu'en fait la personne malade c'était moi. Mes pensées me lâchaient, je n'arrivais pas à dompter mon corps. Je me suis rendu compte que je me connaissais bien mal. Avant de m'embarquer dans ces traitements médicamenteux, savais-je qui j'étais?


    ET vous décidez de partir en voyage pendant près d'un an. Un périple qui vous mènera en Nlle Zélande, en Birmanie et en Mongolie. Pourquoi ces 3 pays en particulier ?                  
     
    Je ressentais le besoin de partir avec ma maladie, cette nouvelle copine que je détestais, afin de réunifier mon être. Je me suis dit: ok, nous sommes tous constitués d'un esprit, d'un corps et d'une âme. Et si je voyageais pour relier ces 3 dimensions? Les destinations me sont venues naturellement. Pour réveiller mon corps, il me fallait un pays sauvage à traverser à pied, en communion avec la nature: ce fut la Nouvelle Zélande. Le pays compte plus de moutons que d'habitants et ce détail me faisait vibrer! Le corps c'était la première étape, pour ressentir tout ce que la maladie risquait m'ôter dans le futur: le toucher, la vue....A partir de là , la Birmanie , berceau du bouddhisme, m'est venue comme une évidence pour redécouvrir mon esprit. Je ressentais le besoin de m'ancrer intérieurement, de mieux me connaitre. J'aspirais à découvrir une forme de méditation universelle. Enfin, c'est ma passion pour l'équitation qui m'a conduite en Mongolie.

     
    Une cagnotte lancée sur internet vous a permis de recueillir 13000euros et de réaliser ce rêve. Voila une belle histoire!

     
    A l'origine , cette cagnotte était proposée à mes proches. Mais quelqu'un a fait fuiter le projet sur facebook. Et cela m'a échappé: j'ai découvert alors la force des réseaux sociaux, qui permettent de fédérer des personnes aux antipodes de la France autour d'un même projet. Sans leur soutien rien n'aurait été possible. Ces inconnus m'ont donné une  force immense. Cela m'a permis de décoller


    N'était-il pas imprudent de parcourir 6000kms en auto stop en Nlle Zelande seule et malade de surcroit? comment ont réagi vos parents?

     
    Ils étaient ultra-flippés. Ils ne comprennent toujours pas comment ils ont pu oublier leurs angoisses pour me laisser partir.

     
    Parmi les souvenirs les plus marquants, il y a cette rencontre avec un automobiliste en Nlle Zelande....


    C'était au milieu de nulle part. J'attendais depuis 2 heures qu'une voiture me prenne en stop. Un 4x4 s'arrête , je monte à bord. de fil en aiguille, je confie que je voyage pour ma "Rosie". "Rosie ça veut dire quoi?" je lui explique que je suis atteinte d'une sclérose en plaque que j'ai fini par la rebaptiser "Rose". Il est soufflé: "Moi aussi, j'ai une sclérose en plaque depuis 2 ans!" s'exclame-t-il. Et je me rends compte que tout son habitacle est automatisé, que cet homme est lourdement handicapé. "Yes on a la même! Check!" lui dis-je en tapant la main. 10 kms plus loin, je descends vivement émue et vois juste à coté de mon sac à dos son fauteuil roulant. l'homme me promet d'aller planter un rosier pour moi. Je reprends ma route, regonflée comme jamais. 
    La Birmanie ce fut pour moi un voyage intérieur, au sens fort du terme. Me voici dans un Dharma Hall, une salle de méditation bouddhiste. le programme est strict: 13 h de méditation quotidienne, lever à 4 h, 2 repas par jour. Seulement un petit parc pour s'aérer. ce fut l'une des plus belles expériences de ma vie. Je me suis rendu compte combien le silence parlait plus que les mots. Sa puissance m'a fait découvrir le mécanisme de mes pensées. Comment ne plus en être victime. Comment vivre et cohabiter avec elles, sans les subir. Ce sont comme des graines que j'ai plantées. Elles ont besoin d'arrosage, de désherbage. Rien n'est jamais acquis. Ni la foi, ni l'amour....


    "S'il n'y avait pas eu ma maladie, dites-vous, je serais passée à coté de ma vie"....A-t-on besoin d'épreuves pour trouver le sens de sa vie?

     
    Bien sûr que non! On peut mettre du sens dans sa vie à n'importe quel moment, ce n'est qu'une question de choix et d'envie. Pas besoin d'attendre une maladie ou un deuil. Tout ce qui est nécessaire à notre bonheur se trouve en nous mêmes. Nous n'exploitons qu'une infime partie de notre capacité d'entreprendre. Ce qui  me reste de ce voyage , c'est cette force inconditionnelle au fond de mon cœur.


    S'il est un personnage qui met du sens dans l'actualité, c'est bien le pape François, .Et vous l'avez rencontré...   
     
    Cette rencontre, c'est juste un truc de dingue. Une semaine avant le début de mon voyage, mon compagnon a tenu a m'offrir un WE surprise à Rome. En sortant d'une chapelle, je croise un homme qui distribue des prospectus. Je lui demande si, à tout hasard, le pape François est à Rome en ce moment. "Approche-toi, le pape est là , je ne veux pas trop l'ébruiter, mais demain à 8 heures, il donnera le sacrement des malades à tout un groupe de pèlerins." Bien que nous n'ayons pas d'invitation, nous décidons de nous lever aux aurores et de nous y rendre. Max, loin d'être hyper chrétien, me soutient dans ma démarche. A l'entrée de la place St Pierre, tout le monde est contrôlé, sauf nous! Et la chance continue de nous sourire: le pape prononce son homélie en français. A la fin de la célébration, il s'avance dans l'allée centrale, puis revient sur ses pas. C'est alors qu'il se tourne vers moi pour me serrer la main avec affection. Je ressens une émotion inimaginable. C'est comme si le pape avait béni mon voyage sans le savoir. Je peux partir. Il a balayé mes peurs. Tout va bien se passer. A une semaine du départ, la sérénité se fait en moi. J'en profite pour me confesser avant de quitter Rome.

     
    Ce voyage vous confrontera aussi à la fragilité la plus extrême: cet inconnu mort sous vos yeux...qu'est ce que cela a provoqué en vous ?

     
    De voir ce jeune mourir dans le dénuement le plus total, à cause d'un manque de soins, cela m'a donné la rage de vivre. On s'attache à des choses matérielles alors que la mort est là constamment, autour de nous. La vie est magnifique même si nous ne sommes que poussières.

    Avant votre départ , vous disiez être croyante sans savoir pourquoi. Votre foi a-t-elle mûri au contact de la beauté du monde?

     
    C'était un vrai choix de m'éloigner de la religion après mon diagnostic, même si cela peut sembler paradoxal. Je ne savais pas pourquoi je croyais, je me posais énormément de questions. J'allais à la messe et "what else?"A mes yeux, la religion nous montre le chemin, mais c'est nous qui devons marcher dessus. Quant le malheur frappe on demande tout à Dieu: nous prendre par la main, nous faire marcher, nous guider. Pourtant il me semble qu'il faut apprendre à se connaitre soi-même, s'apprivoiser, s'écouter, pour pouvoir emprunter le chemin de ce qui est bon. Même si je n'ai pas prié pendant mon voyage, ma médaille miraculeuse n'a jamais quitté mon cou. En me recentrant , j'ai trouvé peu à peu les réponses que je cherchais. Cette foi si elle n'a rien de protocolaire, est pure dans mon cœur. Je la ressens chaque jour un peu plus fort. Mettre des mots dessus reste difficile. Mais je me sens mieux dans mes pompes quand je vais à la messe, ou quand je parle avec ma grand mère de 80 ans, qui est un peu ma meilleure amie.

     
    D'une certaine façon votre foi est devenue plus vivante....

     
    C'est comme si je parvenais à la vivre dans les faits plus que dans les mots. Souvent, on est trop bavard avec Dieu. On le met dans une case. Le trésor des chrétiens c'est la Résurrection. C'est l'Amour inconditionnel. J'essaye juste de me laisser guider par cette force immense. Mais j'ai beau avoir mon chapelet dans mon sac, je n'y pense pas tous les jours. Je m'abandonne à tout ce que la religion fédère comme idées, comme amour, et c'est cet élan qui m'entraine, me donne le souffle. Dieu se laisse voir chez toutes les belles personnes que je rencontre.

     
    Votre quotidien aujourd'hui à quoi il ressemble?

     
    La maladie est en moi. Pour l'heure je ne prends pas de traitement. Je ressens que le moment n'est pas venu. J'attends de voir comment les choses évoluent. C'est un choix très personnel, qui n'engage que moi. Chaque malade se détermine en conscience. Tous les 6 mois je fais le point avec mon neurologue. J'essaye de m'écouter, de structurer mes activités en gardant du temps pour me ressourcer. Je rééquilibre mes excès, en essayant de vivre l'instant présent. J'apprends à cohabiter avec cette maladie. Cela fait 3 ans que ma  "Rosie" ne m'a pas piquée.... 
                                                   
     
     
                                                  


     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     

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